la jeunesse d'Ogovi (1)

-REND MOI ÇA TOUT DE SUITE!-

La fillette tremblait de rage. Elle n’avait que 8 ans, et le butor en face d’elle, 10.
Il la dépassait d’une bonne tête, mais elle n’allait pas abandonner sa couverture, seul objet lui appartenant réellement.

On l’avait trouvée, âgée à peine de quelques mois, dans le hall du spatioport de Coruscant. Un panier, une couverture, et un petit être gesticulant, aux yeux verts et à la peau sombre. La femme de ménage qui la trouva, alors qu’elle vidait les poubelles, la remit au bureau de sécurité, qui la transféra aux services sociaux.

Les orphelins se comptaient par centaines à cette époque, victimes silencieuses de cette guerre civile qui ravageait la galaxie.

Bien loin du tableau idyllique que présentaient les affiches de propagande, les orphelinats d’Etat n’étaient pas des lieux d’amour et de paix.

Les chiffres véritables des abandons, n’étaient pas rendus publiques, et les familles qui se présentaient pour une adoption, ne voyaient qu’une infime partie des enfants. Seuls ceux qui cadraient avec les idées répandues par l’Ordre Nouveau, étaient présentés aux familles désireuses d’avoir un enfant. Les autres, n’auraient jamais leur chance.

Harki faisait partie des « autres ». Silencieuse, taciturne, elle restait toujours seule, dans son coin, agrippée à sa couverture.

Quand la coordinatrice du centre d’adoption passa les enfants en revue pour une dernière sélection, elle s’approcha d'elle. L'enfant la toisa d'un regard étrange et ne répondit à aucunes de ses questions. Sur son dossier, la case « asociale » fut rapidement cochée et son destin scellé. Elle resterait dans ce centre, sans aucune chance d'être adoptée.

-HOU ! Le Bébé il va pleurer ! Elle veut sa couverture !

Cheni était l archétype du caïd en culotte courte. Grand, fort et bête, de petits yeux vicieux à moitié cachés par les plis de graisse de son visage bouffi. Il faisait partie de la race des tortionnaires, frappant n’importe qui pour avoir ce qu’il lui faisait envie.
Harki avait vite compris, que si elle ne voulait pas mourir de faim, elle devait se dépêcher d’engloutir ses repas, ce démon ayant pour habitude, de distribuer des raclées afin de récupérer la nourriture des plus faibles. Il était la cause de bien des cauchemars et de sanglots étouffés qui résonnaient la nuit dans les dortoirs.

Il bomba le torse en remarquant l’attroupement qui se formait autour d'eux. Il voulait cette couverture, et il l’aurait, certain que personne n’oserait s'opposer à lui.

Il s’attacha la couverture comme une cape et lui lança :

-De toutes façons, t’es trop moche pour garder ça. C'est pas pour les sales filles pas normales, même que c’est la directrice qui l'a dit !-

La surveillante qui les observait de loin, sourit à ces mots. C’est vrai que cette gamine n’était pas tout à fait normale. En 5 ans qu’elle travaillait ici, elle ne l’avait jamais entendue ni rire, ni pleurer. Ce n’était pas faute d'avoir essayé de lui tirer une larme pourtant. Malgré les douches froides, les punitions, les vexations et les baffes à lui imprimer la marque de ses doigts sur la joue, la fillette n’avait jamais desserré les dents, se contentant de la fixer des ses yeux verts à la lueur si particulière. Encore une tarée. Pas étonnant qu’elle soit ici.

-Rend moi ma couverture-

Le gamin sourit et s’enveloppa du mieux qu’il pu dans le carré de tissu élimé. Il tira de toutes ses forces et la relique craqua, se fendant en son milieu.

Cheni sourit de plus belle, enleva sa cape improvisée et la jeta à Harki

-Tiens, j'en veux plus de ton sale truc-

Elle se précipita pour récupérer son bien et contempla, désolée, le trou béant.
Cheni ricanait méchamment, très fier de lui.

Sans prévenir, Harki se rua vers lui et arrivée à sa hauteur, prit son élan et sauta pour fracasser son front contre le menton de la brute.

Cheni tomba à la reverse, dans un hurlement porcin, le menton largement ouvert tandis qu’elle lui fondait dessus, pour écraser ses poings sur son visage.

Elle s'était elle-même ouvert l'arcade sourcilière. Aveuglée par le sang qui lui coulait dans les yeux, elle martelait le visage de l’enfant de toutes ses forces, encouragée par les hurlements sauvages des enfants qui les entouraient, trop heureux de voir le responsable de leurs malheurs, se faire battre de la sorte.
Comme dans un état second, elle ne vit pas arriver sur elle, la surveillante.

L’adulte la prit par le col, et la souleva, tandis qu’elle se débattait et tentait d’achever sa proie. La surveillante la lança contre le mur et Harki perdit connaissance en le heurtant.

-Sale petit animal! Attardée! Tu finiras pute dans un bordel ma fille!-

Cheni était toujours au sol, hurlant, pleurant. Les enfants autour de lui, ne cessaient de se moquer. Il avait relâché sa vessie, de peur, et son règne finissait dans ses déjections.

La surveillante les dispersa à coups de pieds et de baffes bien senties. Elle releva Cheni en le prenant par le bras, et empoigna le corps inanimé de Harki, les traînant tout deux, lui vers l'infirmerie, elle, en isolement.

Avant de refermer la porte de la cellule, la surveillante prit grand soin de finir de déchirer la couverture. Cette gamine n’était décidément pas normale.

Quand Harki se réveilla, elle vit son trésor en lambeaux près d'elle, maculé de sang. Elle rampa pour réunir les morceaux et s’assit, frottant les restes de tissu contre son visage, se balançant d’avant en arrière en gémissant doucement, seule dans la petite cellule sombre, avec pour unique compagnon, un désir ardent de vengeance.