ô bruit doux de la Pluie

Invité

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici …
Je n’ai pas de souvenirs.
Seulement des impressions.

La plus oppressante des impressions, c’est celle, confuse et obsédante, que j’ai été ailleurs, que j’ai été une autre … avant. J’en ai parlé aux Sœurs. La Révérende Mère est venue me trouver dans ma cellule, elle a parlé-chanté pour moi et m’a remis ce livre pour que j’écrive. Elle m’a dit-chanté que ça m’aiderait à clarifier mon esprit.

Je vais donc tacher de m’y employer … Mais par où commencer ? Par mon premier souvenir clair ? Ou peut être me présenter et décrire ma vie aujourd’hui ?

La Révérende m’a donnée un nom que je ne saurai écrire, puisqu’il est de la langue qui parle et chante. Elle a bien voulu me le traduire, cela signifie Pluie Douce, car quand elles m’ont trouvé, c’était le premier jour des pluies après une longue sécheresse.

J’ai dû avoir un accident, car je me souviens avoir souffert, et j’ai des cicatrices. Depuis je vis auprès d’elles, sur la planète de tous les Sortilèges qu’on appelle Dathomir dans le langage commun. J’habite une montagne excavée, en compagnie des Sœurs. J’ai une petite cellule pour moi, avec une couchette posée sur un coffre à tiroirs et, à coté, une bougie et un écritoire. Le tout fait trois pas de long sur deux pas de large, mais c’est ainsi que tout le monde vit ici, même la Révérende Mère.

Invité

Je ne comprends pas très bien leur magie… elles chantent et fabriquent des petits objets très puissants. Leurs chants se fait entendre parfois quand la nuit est calme, ce que leur a valu le nom de Sœurs des Montagnes Chantantes, et nos ennemies sont les Sœurs de la Nuit.

Ma vie ici est simple, rythmée par la méditation et les travaux qui la favorisent : le tissage, la chasse, les chants.

Le soir j’essaie de retrouver mes souvenirs, mes impressions. Rien ne me vient, à part la sensation de … venir d’ailleurs. J’ai un don pour la médecine, et les Sœurs m’encouragent à me perfectionner, en m’apprenant leurs secrets médicinaux.

Parfois je me cache prés de la caverne … j’observe les guerriers qui viennent ici chercher les objets que fabriquent les Sœurs. Ils les appellent « Holocrons » ou « Reliques ». J’aime me cacher dans les fourrés, grimper dans les arbres et les observer. Il m’est arriver de descendre pour en soigner un qui était grièvement blessé, il m’a appelé Femme Médecine, il a voulu que je reste chasser en sa compagnie et je me suis enfuie.

Je ne sais pas la langue qui parle et chante des Sœurs. Alors je me tais et j’observe, je tisse et je pense, je chasse et je participe à la vie collective, en silence, dans l’Harmonie et la Paix.

Pourtant un pressentiment agite mes nuits.
Quelqu’un me cherche.

Invité

Pour mes souvenirs …
Je n’arrive pas à éclaircir ce qui c’est passé avant que je ne me réveille ici, d’un long coma. Au début je ne restais éveillée que quelques minutes où je délirais.
On chantait autour de moi, on me faisait boire des potions qui me faisaient tourner la tête, on me lavait, on me nourrissait.
Petit à petit j’ai réussi à rester éveillée une demi-heure par jour… puis une heure … puis deux, j’ai pris de moins en moins de potions, j’avais les idées de moins en moins confuses.

Plus les Lunes passent, plus mon âme s’éclaircit … plus mon savoir de Femme-Médecine s’affine, tant dans l’art de soigner que dans l’art d’empoisonner. Un jour les Sœurs sont venues me voir, elles m’ont dit-chanté qu’elles avaient un présent, toute la montagne s’est remplie de bruissements et de murmures de femmes, c’était l’anniversaire de mon arrivée chez elles, c’était le premier jours de la saison des Pluies.

Elles ont pose sur ma couchette un gros caillou ovale, plus gros qu’un melon d’eau, mais curieusement plus léger. J’ai failli pousser un cri de surprise, rompant ainsi la tradition de silence de ce lieu sacré, quand j’ai senti quelque chose bouger dedans.

Mon cœur s’est mis à battre, d’une émotion qu’il m’a tout d’un coup semblé avoir connu avant : l’amour. J’ai caressé la capsule de chitine, les mouvements à l’intérieur ont suivi le déplacement de mes doigts et les Sœurs ont manifesté leur contentement avec le bruissement doux et chanté qui leur est coutumier.

Une fêlure est apparue, et j’ai serré l’objet sur mon cœur, j’ai eu si peur qu’il ne soit en train de s’abîmer ! Mais un liquide visqueux a dégouliné sur ma robe et un horrible petit museau mouillé est venu se loger dans ma paume, cherchant ma chaleur.

Invité

C’était la plus adorable créature que Dathomir ait jamais portée … Elle s’est roulé dans mes deux mains jointes en offrande, fouillant le creux de ma paume de son museau. Dans l’odeur de vie et de chair qu’a le liquide amitotique, j’ai fait connaissance avec mon animalité, ma compagne.

La saison des Pluies a débuté, le jour de mon anniversaire, avec un orage puissant, toute la forêt en a été parfumée d’une suave odeur minérale et la créature a été baptisée dans la langue dite et chantée, en langage commun, cela ce dit Orage.

Ma vie a changé depuis qu’Orage est arrivée avec les pluies. Nous courrons les bois comme deux créatures sauvages, nous rentrons essoufflées, heureuses, couvertes de sang et de boue. Nous ramenons assez de viande, de cuir, d’os et d’ivoire pour tout le clan et la Révérende Mère me dit-chante que cela devait être ainsi.

Je croise souvent des chasseurs, de races variées, mais j’arrive toujours à m’enfuir ou me cacher avant qu’ils ne nous voient, Orage et moi. A l’abri des regards, dans la canopée, nous regardons les infortunés se retourner et scruter les environs, sûrs d’avoir entendu quelque chose, d’avoir vu une ombre, entendu un rire de jeune fille.

Je me suis fabriqué une arme avec les griffes et les os taillés des créatures que nous chassons avec Orage. Combinée à mes poisons, je deviens une chasseresse de plus en plus puissante et Orage manifeste son enthousiasme, la meilleure part du festin est toujours pour elle.

Invité

Les Sœurs sont heureuses.

Au début j’avais honte car je ne savais pas Chanter-Prier comme elles, et je voyais bien qu’elles étaient déçues. Ca a l’air d’être important, je soupçonne ces Chansons Parlées d’être plus que des prières ou des chants, mais je ne comprends pas. Aussi depuis que Orage est là, je me sens réconfortée, je suis fière de participer enfin à la vie communautaire, par mon tissage, les veillées et le butin de mes chasses que je partage avec elles.

Cette vie simple et silencieuse me plonge dans l’introspection … Pourtant je n’arrive pas à mettre de noms sur les impressions qui m’assaillent parfois, ou sur les visages inconnus que je vois en rêve. C’est comme si j’avais en permanence leur nom sur le bout de la langue, c’est … dérangeant. Je cherche, je fouille le tissu confus de ma mémoire mais rien ne me vient.

Je passe mon temps, perchée dans les arbres. Je me suis fabriqué une tenue de chasse, en cuir. En silence j’écoute les forêts, le chant intime de Dathomir, et quand ma proie se fait entendre, Orage et moi fondons sur elle comme un seul corps félin. C’est dans ces moments là, d’attente et de veille, que je l’entends le plus, fort et déchirant, l’Appel …

Quelqu’un me cherche, j’en ai la puissante intuition.

Je suis certaine, sans savoir comment, que si là, maintenant, je me dressais et appelais, ces Appels, comment autant de sondes jetées au hasard, me trouveraient.

Qui me cherche ?
Ou quoi ?

A-t-on essayé de me tuer, ce qui expliquerait l’état dans lequel les sœurs m’ont trouvée ?
Essayais-je de fuir quelque chose quand j’ai eu cet accident ?
Ai-je de la famille, ailleurs, qui me cherche ?

Mon puissant instinct de conservation et ma sauvagerie me poussent pour l’instant à rester cachée, à savourer cette vie simple, entre Chants et Silence.

Invité

Danse de la Pluie

Pluie Douce lève ses bras fins,
Ondule au vent du matin.

Ballerine déliée, ses pieds sur le sol
Dansent de mystérieux symboles.

Dans une clairière, un sorcier fou lui a appris
La petite danse de la pluie.

Au chant secret de Pluie, les gouttes miraculeuses
La parent de lueurs précieuses.

Coquette, Pluie s’admire, gracile figurine
Ornée de diamants et aigue marines.

Dathomir ! Dans l’odeur suave de terre humide
Ecoute sa chanson candide !

Invité

Tous les matins, je viens regarder le soleil se lever sur nos Terres. A genoux, un petit bol de thé chaud dans les mains je regarde Dathomir, j’écoute son chant intime et j’observe mon territoire.

Tout mon territoire est recouvert de bois, troué parfois de clairières. Les Montagnes Chantantes où j’habite s’affaissent doucement pour devenir collines, créant des ombres et des creux intimes. Ca sent l’humidité, l’Epice et le danger.

J’aime cette heure où ma plaine est comme un corps de femme endormi.

Tiens ?
Encore ce drôle d’animal ?
Ca me fait sourire, je ne cherche plus à comprendre… une bête vient me voir … tous les matins.
Au début elle rodait assez loin de moi et s’éloignait, je ne la revoyais plus avant le lendemain matin. Mais petit à petit elle se rapproche et maintenant je peux voir ses beaux yeux jaunes. Parfois elle pose son museau au creux de mon épaule, elle sent mon odeur et semble attendre quelque chose de moi.
Et puis s’en va jusqu’au matin suivant.
C’est un énorme félin ses pattes sont plus grosses que ma tête et il doit avoir une anomalie génétique parce que sa robe dorée porte des rayures noires, et ni moi ni les Sœurs n’avons vu pareilles chose avant.

J’ai pris l’habitude de ses visites quotidiennes pendant que je médite au lever du jour.

… encore une énigme …

Invité

Je dois bien admettre que la zone d’Ombre menaçante, au loin de mes terres, s’agrandit, et se rapproche de plus en plus de mon territoire. Les Sorcières de la Nuit, aussi dégénérées que malfaisantes étendent leur zone d’influence et je vais devoir prendre les armes pour protéger ce qui est mien, ma Montagne et mon Clan.

Une réunion a eu lieu avec les Sœurs de mon Clan et la Montagne Chantante a déclaré la guerre aux Sorcières de la Nuit.
Sur l’ordre de la Révérende, je mène un combat sans merci contre leur Ombre malsaine. J’ai fini par m’allier occasionnellement aux chasseurs venus récupérer des trophées. Quelques uns viennent régulièrement sur mes terres, et nous avons pris l’habitude de chasser ensemble.

Ils me questionnent.
Suis-je donc si … exotique pour ces gens de la ville ?
Bien sûr ils ont entendu parler de rumeurs … de chasseurs ayant cru entendre des rires de jeune fille, ou ayant été miraculeusement sauvés par une « Vierge de Dathomir » qui vivrait sur ces terres, perchée dans les arbres …
Ils m’ont raconté que selon la légende, elle vient avec la pluie, sauver les chasseurs égarés.
Ca me fait sourire, pour des gens de la ville ils me semblent bien naïfs et prêts à croire n’importe quoi.

Je vois bien leurs regards quand je chasse à leur cotés. Ils me posent des questions, m’invitent à venir partager un repas, s’attristent quand je leur semble trop lointaine.
Ils ont un intérêt pour moi que je ne partage pas.
Ca me trouble.
Quelque chose s’est il brisé en moi ?
Je me sens vivante et en bonne santé, à part mes troubles de mémoire, alors …

Pourquoi mes désirs de femme ne s’expriment-ils pas ?